3.2. Le daltonisme

Forme la plus fréquente de la dyschromatopsie (trouble de la vision des couleurs), le daltonisme est une anomalie de la vue qui se caractérise par l'absence de perception des couleurs, ou par une incapacité à différencier certaines teintes ou couleurs. Ce trouble de la vision est en fait connu sous le nom de "daltonisme" depuis le 18e siècle, du nom du physicien anglais John Dalton, atteint de ce type de "cécité des couleurs" et diagnostiqué comme tel par le médecin et physicien Thomas Young.

Les études menées depuis lors ont révélé les causes de cette anomalie de la vision; nous allons donc les détailler. Comme nous l'avons dit, les deux gènes qui codent pour les pigments des cônes L et M sont alignés l'un derrière l'autre sur les bras longs du chromosome X. Il en résulte, lors de la méiose (double division cellulaire aboutissant à la réduction du nombre de chromosomes, et qui se produit au moment de la formation des cellules reproductrices), des risques de recombinaisons partielles entre eux (par crossing-over : enjambement ) entraînant des perturbations de la vision colorée. En pratique, deux cas sont possibles: le crossing-over intergénique, et le crossing-over intragénique.

Dans le premier cas, un gène entier est absent d'un des deux chromosomes; l'homme qui hérite de ce chromosome est dichromate. L'autre chromosome X, en revanche, possède le gène en double exemplaire, et l'homme qui en hérite a une vision colorée normale: le gène supplémentaire n'a pas d'effet apparent. Dans le second cas, toujours lors de la méiose, le point de rupture du chromosome se fait au milieu du gène lui même, ce qui a pour effet de séparer les exons. Le crossing-over produit alors des gènes hybrides; une partie des exons codant la iodopsine M est transférée dans le gène des iodopsines L, et vice versa. Les substitutions d'acides aminés qui en résultent modifient les courbes d'absorption des pigments de façon variée, d'où des altérations de la vision colorée qui vont d'une anomalie minime au dichromatisme. On sait classer les formes de daltonisme; cette classification se fait selon le type du cône atteint. Aux trois types de cônes correspondent donc trois types de daltonismes:

Ainsi, deux daltonismes existent. D'un côté, le manque d'une iodopsine: le sujet est donc dichromate; ceci est lié au premier cas des mutations, où le gène est absent. De l'autre côté, le trichromatisme anormal, une déficience d'une couleur. Ceci est lié au cas numéro deux: le crossing-over.

Nous avons donc vu qu'en général, le daltonisme s'explique par la présence d'un gène anormal sur le chromosome X. Chez la femme, qui possède deux chromosomes X, la présence d'un gène anormal est le plus souvent compensée par un gène normal sur le second chromosome X. La femme peut donc être porteuse du gène du daltonisme et le transmettre à ses enfants, sans pour autant être atteinte de ce trouble. Chez l'homme, qui possède un chromosome X et un chromosome Y, le gène anormal transmis génétiquement ne peut être compensé. C'est pourquoi ce trouble affecte une proportion plus élevée d'hommes: la fréquence du daltonisme est de 7 % chez les hommes et seulement de 0,5 % (7% x 7%) chez les femmes.

Mais une dernière question subsiste: comment cela affecte-t-il la vie des daltoniens? Encore une fois, deux cas possibles. Les trichromates anormaux ont quelques erreurs dans leur vision des couleurs, mais celles-ci ne sont pas remarquables, car ils restent trichromates. Par contre, ceux qui sont dichromates (protanopes, deutéranopes et tritanopes) ont une vision très différente du monde dans lequel nous vivons. On dit souvent que les daltoniens confondent le vert et le rouge. Mais en fait, leur perception du monde coloré est très différente de celle de la plupart des gens. Leur environnement ne comporte que deux couleurs dominantes (le plus souvent bleu et jaune), mais toutes les autres couleurs du spectre leurs sont visible par des nuances différentes. Si cela est une gène pour le dichromate, c'est parce que le monde dans lequel nous vivons est adapté aux trchromates; il devient donc difficile pour les daltoniens de s'y adapter.